La Princesse et le Capitaine - 5
Le Capitaine des pirates a pris possession de mon navire et de toutes les richesses qu'il contenait : mes perles, mes pierres précieuses, mes louis d'or... mes livres aussi, car il semble friand de découvrir cette nouvelle littérature. Sans ma cabine au large lit à baldaquin et mes domestiques pour m'aider, je me sens perdue, prisonnière, esclave.
La curiosité me fait observer chacun des mouvements du Capitaine, chacun de ses gestes, les expressions de son visage. Il se mêle dans mon coeur un mélange de fascination et de répulsion pour cet homme sombre, parfois gai jusqu'au vulgaire avec son équipage et parfois mélancolique. Cette tristesse qui empreint parfois son visage me laisse perplexe, mais je refuse de me laisser attendrir. Que deviendrait sinon la tristesse que j'éprouve pour moi-même ?
Sur le bateau du Capitaine, je loge avec plusieurs de mes servantes et les conditions ont finalement fait de nous de bonnes amies. Elles n'hésitent pas à m'aider en toutes choses et à me donner des conseils. J'évite de me rendre sur le pont le plus possible, pour ne rencontrer ni le soleil aux rayons si ardents, ni le Capitaine au regard si troublant. D'ailleurs, je suis complètement indifférente à ce que les autres filles appellent "son charme dévastateur". Comment pourrais-je aimer un homme sans loi qui me prive de ce qui faisait mon bonheur en me retenant contre mon gré et en me menaçant d'un odieux mariage forcé? Je ne me rends sur le pont que pour respirer la nuit en l'absence de tous.
Parfois le même pirate esseulé et triste se trouve à la proue. Déguingandé, la chemise à demi ouverte, il s'appuie contre la colossale statue de la Déesse grecque de la sagesse et de la guerre, comme pour lui demander conseil. Il me semble de loin avoir vu ses yeux briller sous la lune de larmes contenues.
Après quelques jours, le pirate est toujours là et se tournant vers les tonneaux de vins capiteux près desquels je me blottis, j'aperçois son visage. C'est le Capitaine !
A suivre...
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