Tu sais, mon petit coeur, j'ai souvent tendance à minimiser les choses, surtout celles qui ne vont pas bien, que me blessent ou me rendent triste. Je crois que c'est ce que j'ai fait dans cette histoire avec Claire. C'est ma meilleure amie et je pensais sincèrement être capable d'assumer le léger éloignement qui nous sépare, parce que nous sommes devenues adultes. Ce qui est étrange, je trouve, c'est autant nous étions des adolescentes qui se ressemblaient, avec les mêmes interrogations, les mêmes pensées, les mêmes perspectives et les mêmes émotions, autant nous avons grandi et mûri pour devenir des femmes dont les préoccupations sont totalement différentes, autant l'une de l'autre que de ce qu'on pouvait espérer devenir...
Je sais que ça peut paraître être un peu compliqué, mais je reconnais que je ne me voyais pas du tout devenir la femme que je suis aujourd'hui. Je ne voyais que mes mauvais côtés, ma démotivation, mon absence de volonté, ma difficulté à m'assumer et à construire une relation solide sans m'aveugler et me leurrer. Aujourd'hui, je m'assume plutôt bien, avec ton aide et je pense que tous les deux on a su fonder un couple stable et durable (et je t'aime, je t'aime... pour ça et pour mille autres choses), je suis poussée de l'avant par le bien-être que je ressens d'être ainsi dans ma vie. Je me sens avancer, bouger et laisser derrière moi la noirceur qui auparavant tournait autour de moi. Quelle noirceur, vas-tu me dire ? Celle que tu n'as jamais vraiment vue, car j'ai commencé à changer peu avant de te rencontrer. La femme qui t'a ébloui de son aura dorée, qui t'a subjugué, c'est comme un nouveau moi que tu m'aides à développer et épanouir.
Je ne voyais pas plus Claire devenir la femme qu'elle est aujourd'hui. Claire a eu sa grande époque, celle où elle rêvait de changer le monde et elle se démenait pour des causes, où elle fêtait vêtue de noir les anniversaires de la place Tien An Men, la date inscrite au feutre sur ses mains, une époque où son idéalisme était plus fort que tout. Je suis heureuse qu'elle ait 'trouvé' Ben, parce que sa vie personnelle a toujours pâti de ses ambitions et de son engagement, mais je regrette le temps où elle avait encore quelques illusions sur le monde et où on pouvait les partager. J'ai l'impression qu'elle s'est déplacée dans un monde dans lequel je ne peux plus l'atteindre. Bien sûr, je la reconnais et c'est toujours la même, dans le fond, mais je perds ce contact privilégié que j'avais avec elle avant.
Ca me manque... J'ai l'impression que notre amitié est comme une fine étoffe que l'on a passé trop de temps à étirer et que le tissu est usé et se déchire. Je lui ai à nouveau écrit un mail hier, après notre petit échange de PM. Et hier soir, elle m'a promis un mail auquel elle joindrait une nouvelle qu'elle a écrite. J'attends ce mail depuis si longtemps que je n'ose même pas croire qu'il va bientôt arriver ; parce que si ce n'est pas le cas, je sais que je vais terriblement en souffrir. J'ai envie de lui faire confiance, mais chat échaudé craint l'eau froide.
J'espère être en mesure, ou plutôt qu'elle et moi soyons en mesure d'arranger les choses, de ne pas laisser la distance et le quotidien de nos vies respectives empiéter plus avant dans notre amitié. Elle me manque...
Je t'aime, mon chéri. Toi aussi, tu me manques un peu. Ce n'est que le début de la matinée, et j'ai déjà envie de rentrer à la maison. Love.